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Bleu un jour, bleu (pas) toujours: André Darrieussecq, 1973

Bleu un jour, bleu (pas) toujours: André Darrieussecq, 1973

Publié le 10/11/2010

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André Darrieussecq au centre avec le ballon.

Quand et comment avez-vous appris votre sélection pour le match France-Angleterre qui a eu lieu le 24 Février 1973 ?

Quelques jours avant le match France-Angleterre, j'ai eu l'opportunité de jouer contre les All Blacks avec la sélection régionale du Sud-ouest. On avait d'ailleurs fait une belle performance, on s'était inclinés sur un score serré. Suite à ce match, j'ai été appelé pour rejoindre l'équipe de France à Paris. J'avais été désigné comme remplaçant face à la Nouvelle-Zélande. Puis, par la suite, on devait affronter, en février, l'équipe d'Angleterre à Twickenham (défaite 14-6). Durant la préparation, on avait fait une petite sortie entre amis durant laquelle Jean-Louis Azarete avait pris froid. Au moment de jouer, il ne se sentait toujours pas bien, c'est pourquoi on m'a sélectionné comme titulaire.

Avez-vous été surpris par cette annonce ?

Oui, oui…je ne m'y attendais pas du tout. Vous savez quand vous prenez le train direction Paris en pensant rester sur le banc et qu'à votre arrivée on vous annonce que vous jouez, vous n'y croyez pas. Je ne m'étais absolument pas préparé à ça, mais c'était génial.

Quels étaient vos sentiments à ce moment-là ?

J'étais très heureux. Ça fait toujours très plaisir de savoir qu'on vous fait confiance pour ce genre d'évènement. Puis c'est une occasion unique qu'on vous offre donc vous êtes privilégié.

Comment votre entourage a-t-il réagi ?

Tout le monde autour de moi a été très surpris. Ma femme, la première. C'est un voisin, qui en regardant la télévision avait entendu que je jouerais et il est donc venu lui annoncer à son salon de coiffure. Je crois qu'elle l'a même su avant moi.

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André Darrieussecq (Photo Bernard)

Comment s'est déroulée votre arrivée, ainsi que votre insertion, en équipe de France ? Les premiers jours avant, et pendant ?

Ce n'était pas si simple…c'était une toute autre dimension que je ne connaissais pas très bien. Puis, certains joueurs de l'équipe avaient quelques problèmes avec le comité, donc il ne fallait pas trop se montrer. J'étais assez discret. Je restais dans mon coin et je faisais ce que j'avais à faire.

Vous pouvez me parler de votre entrée sur le terrain avec le maillot des bleus ?

Mon dieu, c'était irréel ! Je me rappellerais toujours de l'arrivée à Twickenham… Le stade à lui tout seul est un évènement. A l'époque on jouait au maximum devant 10.000 personnes en championnat. Et là, tout d'un coup, vous vous retrouvez devant 60.000 personnes ! C'est un rêve de gosse qui se réalise quand vous entendez tous ces chants, tous ces cris, tous ces applaudissements. C'est une émotion terrible qui vous submerge. Je crois même que dès le départ de l'hôtel, dans le bus, vous êtes envahit par toutes ces sensations particulières. On rit, on pleure,…

Quel souvenir avez-vous du match ?

J'étais plutôt satisfait de ma prestation même si je dois avouer que j'avais été déçu parce que j'avais été changé de côté et donc les repères changent toujours, et dans ces moments-là c'est un peu délicat. Puis il manquait quelques joueurs importants, comme on disait à l'époque « les docteurs anesthésistes ».
Au moment du coup de sifflet final, quel était votre sentiment ?
J'ai ressenti une grande satisfaction personnelle. J'avais fait mon job au mieux de mes possibilités. Puis, quand j'ai vu le terrain être envahi par les gens, les enfants…Tout le monde vous pousse, vous embrasse… Vous vous mettez à signer des autographes…Tout cela vous parait invraisemblable.

Pensiez-vous à une deuxième sélection ?

Non. A cet instant précis vous ne pensez pas au futur, vous cherchez juste à profiter au maximum de cette aventure. Plus rien ne vous importe, vous êtes dans un autre monde. On peut même vous dire que vous allez mourir le lendemain, vous vous en foutez car vous vivez cet instant.

La non-sélection a-t-elle été un coup de massue pour la suite de votre carrière…

On est un petit peu vexé, je pense que c'est normal. Surtout quand les gens vous disent que vous n'avez pas été bon et que c'est pour cela que vous n'êtes pas repris. Mais je n'en ai pas fait tout un drame. Après tout c'était un choix des sélectionneurs. Ils ne m'ont pas repris, c'est tout. Je n'ai pas arrêté le rugby pour autant, j'ai même continuer jusqu'en 77.

…Ou cette unique sélection a t-elle plus importante que le reste ?

Je dois avouer que la sélection était inespérée et j'en suis toujours très fier aujourd'hui. Mais ce qui m'a le plus marqué c'est ma sélection régionale car j'ai pu affronter l'équipe contre laquelle je rêvais de jouer depuis toujours : la Nouvelle-Zélande. A l'époque, on faisait du rugby pour pouvoir jouer contre ces types-là. C'était ça mon rêve de môme.

Avez-vous gardé un souvenir de cette période ?

Oui, j'ai évidement gardé le maillot que j'ai pris soin de bien ranger ! Puis j'ai également eu le maillot de mon adversaire. Sans compter celui des Blacks…

Avez-vous des contacts avec vos anciens coéquipiers ?

Oui bien sûr. Mais plus particulièrement avec les gars du Sud-ouest. Je vois très souvent Jean Iraçabal et Jean-Louis Azarete.

Aujourd'hui, continuez-vous à suivre les matchs ?

Depuis la fin de ma carrière en tant que joueur, je ne me suis jamais éloigné des stades. J'ai été éducateur pour les minimes, puis entraîneur de petites équipes. J'ai pris un peu distance seulement à 50 ans. Maintenant je suis Président du comité directeur du Biarritz Olympique. Et j'ai également pour mission d'aller observer les jeunes du coin. On cherche à retrouver cette tradition qu'il y avait avant pour ne pas avoir a appeler trop de joueurs étrangers car ce serait dommage pour nous, mais aussi pour l'équipe de France. Quoiqu'il en soit je vais toutes les semaines au stade et j'adore aller voir les petites équipes jouer.

Quels sentiments ressentez-vous en regardant les matchs ? Et quand vous entendez la Marseillaise ?

J'ai toujours plein de frissons ! Ce sont des émotions difficilement descriptibles. Mais je sais que ce que ressent le mec au moment où il entend la marseillaise je l'ai moi aussi ressenti. Très souvent, j'ai les larmes aux yeux.

Comment vivez-vous ces moments en tant que spectateurs ?

Je suis à fond derrière le XV de France. Il m'arrive parfois de râler sur les erreurs tactiques, de contredire certains choix, mais je les supporte toujours. Je préfère aussi regarder le match dans mon coin tranquillement, je n'aime pas exposer mes idées à tout le monde, du coup je regarde le match en silence, mais à l'intérieur de moi tout bouillonne !

Vous considérez-vous comme International ?

Je ne crois pas…je ne me suis jamais vraiment posé la question, j'ai eu une cape et voilà ! Mais vous savez, il m'arrive encore de croiser des gens qui se rappelle de « ce match ». Et ces personnes là sont capables de vous sortir tous les détails du match. C'est plutôt bizarre, mais ça fait toujours très plaisir.

Observez-vous des différences entre l'équipe de France d'il y a 30 ans et l'équipe de France d'aujourd'hui ?

Le rugby a beaucoup changé je pense. A notre époque, les chocs étaient beaucoup plus rugueux, aucun joueur n'était tendre…
Maintenant le rugby est beaucoup plus rapide, les joueurs sont beaucoup plus entraînés, le jeu est plus propre ! Les préparations sont beaucoup plus sérieuses ! À l'époque, on arrivait sur place deux, trois jours au maximum et on faisait deux entraînement et hop c'était le match. Alors que maintenant, ils sont pros !
Ce que je constate aussi c'est la différence de stature à certains postes. Aujourd'hui un arrière ou un ailier est beaucoup plus costaud qu'avant. La différence saute aux yeux !
Ensuite, à notre époque, on était très peu encadrés. On n'avait pas une grosse équipe médicale ni même un diététicien. Puis on faisait un peu plus la fête que les joueurs d'aujourd'hui. Mais pour eux, c'est un job alors c'est différent. J'aurais réagi pareil si j'avais joué aujourd'hui.

Un petit mot sur la rencontre France- Fidji ?

Je pense qu'on va gagner car on est capables de les contrer devant. Après, derrière, on ne peut jamais trop prévoir car ce sont des jongleurs. Mais je suis satisfait de la sélection. Je suis content pour Jerôme Thion qu'il ait été rappelé. Dernièrement, il avait un peu été écarté mais là il montre chaque weekend qu'il est présent et qu'il ne démérite pas. Après, pour Damien Traille, je pense qu'il est mieux au centre qu'à l'ouverture, mais pourquoi pas, on verra…

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