Publié le 21/09/2010
« Flexion ! Touchez ! Stop ! Entrez ! » Depuis l'entame de la saison 2007-2008, cette annonce rythme les entrées en mêlées de tous les terrains de TOP 14 Orange et de PRO D2. Mis en place pour assurer la sécurité des joueurs (en réduisant la distance entre ces derniers au moment de l'impact et en temporisant l'entrée en mêlée) et pour rendre cette phase de jeu plus lisible, ce procédé oppose le monde du rugby. Aujourd'hui, l'IRB a demandé aux arbitres de ralentir encore les commandements.
« Ce n'est pas simple, et cela apporte des problèmes supplémentaires, avec des mêlées écroulées, relevées ou pas stables » remarque Christophe Berdos, à l'unisson du DTNA Joël Dumé pour qui « cela joue semble-t-il sur la stabilité en mêlée, car il y a encore beaucoup de mêlées effondrées et surtout beaucoup plus de pénalités sifflées ». Du côté, des entraîneurs, cela ne semble pas faire l'unanimité, à l'image de l'entraîneur clermontois Franck Azéma : « C'est très compliqué. Aucune équipe ne prend l'ascendant sur une autre, on ne peut pas produire de jeu après une mêlée, il y a souvent des pénalités, mais c'est généralement équilibré ».
Des commandements trop longs ?
« Mais sur le principe, je pense que cela redonne de la valeur à la mêlée » explique l'arbitre international. « Avant, on gagnait la mêlée à l'impact, et ce, avant même que le ballon ne soit introduit. Or la mêlée commence lorsque le ballon a quitté les mains du demi de mêlée, et avec cette règle, on revient en arrière en redonnant du sens à cette phase de jeu ».
Mais là encore, côté terrain, l'interrogation persiste. « Je ne suis pas au cœur de la mêlée, mais je la vois de près, et je trouve que c'est beaucoup trop long ! » explique le Racingman Jonathan Wisniewski. « Il y a des cassures, assez longues, entre chaque séquence, et il est difficile pour les avants de trouver du rythme, de l'équilibre et de la puissance ». Un avis plus que partagé par le coach des Jaunards qui trouve cette action compliquée pour les joueurs, et notamment ceux de première ligne : « c'est une phase de jeu très physique qui demande une grosse dépense d'énergie, et on leur demande d'être dans l'attente, c'est contradictoire ».
Pour d'autres, cela ne porte pas trop à interrogation, mais surtout à travail : « les commandements sont plus espacés, les temps plus longs, et cela dépend des arbitres. Chaque directeur de jeu le fait plus ou moins rapidement, donc il faut s'adapter tous les week-end » explique le pilier bayonnais Pierre-Philippe Lafond. « Nous le travaillons à l'entraînement, quand le coach varie le rythme des commandements. Il faut bosser pour être réactifs à tout moment, que ce soit sur des commandements rapides ou longs ». Dans certains clubs, les entraîneurs des avants réalisent même des montages vidéo avec la voix de l'arbitre désigné, afin d'habituer les avants à la tonalité et au débit de celui qui les dirigera en mêlée.
Ne pas diminuer l'importance de la mêlée
Reste à savoir si cela apportera à ce secteur de jeu, pierre angulaire du jeu d'avant, et donc du rugby en général. « Il est trop tôt pour juger de l'efficacité du procédé » avoue le pilier de l'Aviron. « Travaillons le dans le championnat, après nous verrons en Coupe d'Europe et en matchs internationaux comment font les arbitres étrangers. Nous verrons si c'est un problème franco-français ou si c'est généralisé ».
Laurent Lubrano, représentant de la LNR à la Commission centrale d'arbitrage partage cette philosophie : « pour la sécurité des joueurs, c'est sur que cela sera bénéfique. En revanche, je ne peux réellement pas m'exprimer sur ce que cela va apporter ». Il espère seulement que le rugby ne se perdra pas en route : « il faudra être vigilant à ce que cette règle ne diminue pas l'importance de cette phase de jeu, mais qu'elle la rende simplement plus claire. Il ne faut pas diminuer l'importance des phases de jeu, et notamment de la mêlée, pour donner plus de spectacle. Ce serait contre productif ».