Publié le 27/08/2010
« Le rugby à XV renonce à l'obligation d'amateurisme ». Les mots lancés par Bernard Lapasset président de l'IRB le 27 août 1995 ne révolutionnent pas le rugby français. Pas encore…60 ans après le football, 47 ans après que le gouvernement de Vichy ait mis un terme au professionnalisme notamment du XIII, le rugby à XV entre dans une nouvelle ère. Mais la nouvelle fait flop. Ou presque… « On avait quelques rumeurs comme quoi le rugby allait bouger, se remémore Emile Ntamack alors international au Stade Toulousain. Mais, sincèrement, on n'imaginait pas que le rugby deviendrait totalement professionnel ». A l'époque, la « Panthère noire » est un joueur pluriactif avec une activité chez France Telecom. Il est même l'un des tout premiers à investir Internet avec une page dédiée dès cette date. Mais cette annonce de l'IRB le laisse alors perplexe : « Tout le monde avait un travail. On ne voyait pas bien comment on allait gérer tout ça. Les entraînements étaient établis en fonction des emplois du temps des uns et des autres et là on allait devenir salarié du club ?!! ». Pour les internationaux, l'opportunité est réelle mais le championnat compte alors 40 clubs soit encore plus de joueurs que dans le RUGBY TOP 14 Orange et la PRO D2 réunis ! « Cette annonce est un coup de semonce », estime aujourd'hui le co-entraîneur du XV de France.
« En fait il a fallu deux ans pour vraiment contractualiser le professionnalisme. En 1997, on passe de la promesse orale, de la tape dans le dos à un contrat paraphé par le joueur et le président du club. Ca fait bizarre ! », rappelle-t'il. Entre temps la Fédération française de rugby créé la Commission nationale d'aide et de contrôle de gestion (future DNACG), puis l'Union des clubs. Et, en juin 1996, la Commission nationale du rugby d'élite (CNRE), chargée de la gestion administrative, sportive et financière des compétitions des 40 clubs de l'Elite. Deux ans plus tôt, comme d'habitude –et comme sur le terrain- en avance sur son temps, Ntamack tentait avec Philippe Saint-André, Laurent Benezech et Laurent Cabannes de créer une structure réunissant les joueurs afin de défendre leurs intérêts. « En fait, j'avais senti le vent tourner car je venais d'être approché par les Broncos, un club australien de rugby à XIII, explique Ntamack. Ils m'avaient soumis un vrai contrat où tout était écrit noir sur blanc : 1,5 million de francs par an, des billets d'avion pour ma famille, des primes de résultat ou de fair-play, la notion de droit à l'image, etc. C'était assez affolant. Finalement, j'ai signé 6 ans au Stade Toulousain quelques mois plus tard ».
Les Anglo-saxons sautent sur l'occasion et structurent leur rugby vers le professionnalisme plus rapidement que la France. « C'est parti plus doucement chez nous mais une fois que le pied a été mis dans le toboggan ça s'est accéléré ». L'Assemblée générale de la FFR vote, le 13 juin 1998 à Chambery, la création de la Ligue nationale de rugby (LNR) qui organise le premier championnat professionnel la saison suivante. « A partir de là, nous avons du faire des efforts dans l'image véhiculée par notre sport, explique Ntamack. On est passé d'un sport vu comme sport de bourrins à un sport mettant en avant une esthétique, une éthique et des valeurs importantes. On a du aussi travailler sur la discipline pour offrir un sport télégénique, agréable à regarder. Avec la retransmission des matchs, on a basculé dans le rugby moderne… » Avant l'arrivée de Canal Plus, seules les phases finales du championnat étaient retransmises. 15 ans après, tous les matchs de première division sont visibles à la télévision, plus 1 match de deuxième division par semaine.
Le rugby professionnel fait des joueurs et entraîneurs des salariés, des « ouvriers du ballon ovale » dotés d'une Convention collective, avec ses avantages et ses inconvénients comme le souligne Emile Ntamack : « Il y a des joueurs pros qui peuvent vraiment être en difficulté s'ils ne font pas attention à leur avenir dès qu'ils signent leur premier contrat. Le nombre de chômeurs est croissant mais cela ne me surprend pas. On avait imaginé ces dérives lorsque nous avions fondé le Syndicat national des joueurs de rugby. Personnellement, je n'ai jamais considéré le rugby comme un métier. Mais aujourd'hui ça l'est : le rugbyman est un salarié comme les autres ».
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