Publié le 28/05/2012
Serge, même si cela s'annonce festif, n'est-ce pas un moment que vous appréhendez un peu ?
Forcément, car c'est toujours difficile de se dire qu'il faut passer à autre chose. Mais c'est pourtant un moment que j'attends avec extrêmement d'impatience. Ce sera un moment particulier, émouvant, qui me permettra de réunir les différentes générations de joueurs qui m'ont permis de réaliser ce parcours, de jouer à Biarritz, d'y gagner des titres, et de porter le maillot bleu.
26 ans de carrière, 63 sélections, trois titres de champion de France, une finale de Coupe d'Europe…
C'est pas mal ! (rires). C'est surtout appréciable au regard de mon parcours atypique, étant donné mes origines (NDLR : Serge Betsen est né à Kumba au Cameroun en 1974). Mais c'est logique aussi, car ce sport m'a permis de me construire, et forcément, ce sont des moments que je garderai gravés en moi pour toujours.
Quel est votre meilleur souvenir en tant que joueur ?
Il y en a tellement que c'est impossible d'en ressortir un plus qu'un autre. Après, je dirai que mon plus beau souvenir, c'est d'avoir rencontré ce ballon ovale dont je ne maîtrisais pas les rebonds, et que je ne maîtrise toujours pas 26 ans après. C'est cette difficulté et cette recherche de performance pour réussir à être au meilleur niveau qui m'ont permis de me construire, et pour tout cela, je remercie ce sport.
Le pire ?
Lorsque l'on est compétiteur, on veut gagner. Quelle que soit la compétition, on joue pour gagner. Alors, les pires moments sont forcément ceux où l'on perd. Et pour moi ce sont ces deux trophées que je n'aurai jamais soulevé, la Coupe d'Europe (NDLR : défaite en finale avec le BO face au Munster en 2006, 19-23) et la Coupe du Monde (NDLR : deux défaites en demi-finales, à chaque fois contre l'Angleterre, en 2003 (7-24) et en 2007 (9-14)).
Quel regard portez-vous sur ce rugby que vous avez vu évoluer durant votre carrière ?
C'est un regard admiratif. Réussir une transition entre l'amateurisme et le professionnalisme n'est pas simple, mais lorsque l'on voit les taux de remplissage, les audiences, mais aussi le statut que le rugby a aujourd'hui, c'est un véritable succès. Il faut maintenant que cela se transforme en terme de résultat pour le XV de France, et que nous parvenions enfin à gagner une Coupe de Monde.
Il y a encore du travail à faire, mais je suis confiant car le potentiel est énorme. Mon exil en Angleterre, (NDLR : Serge Betsen a joué aux Wasps de 2008 à 2012), m'a permis de voir que cela n'était pas exagéré. Il y a réellement un réservoir de très grande qualité en France, et il faut s'appuyer dessus pour bâtir les succès futurs.
Revenons à votre jubilé. Biarritz, le choix s'est fait naturellement…
(Rires) Oui en effet. J'y ai vécu 17 ans de ma vie, j'y ai connu de grands moments et des titres, il était donc logique de jouer ce jubilé ici, de revenir aux sources. Je remercie d'ailleurs le BO, Marcel Martin et Serge Blanco qui m'ont permis de rendre cela possible, de me permettre de dire au revoir à celles et ceux qui ont toujours été là pour me soutenir.
Quel serait votre jubilé idéal ?
J'y répondrai le 6 juin quand cela sera terminé (rires) ! Mais c'est en tout cas ce sur quoi je travaille aujourd'hui. Mixer les sports, car des footballeurs, notamment, fouleront la pelouse d'Aguilera, mais surtout les générations du rugby que j'ai côtoyé. D'abord ceux qui m'ont inspiré quand je suis arrivé en 91, avec lesquels nous jouions la finale de 92 au Parc des Princes (NDLR : défaite face à Toulon 19-14), et qui m'ont donné le goût de la victoire. Ceux avec lesquels j'ai évolué ensuite, et ceux que j'ai épaulé enfin, quand j'avais plus de bouteille. Ce sera aussi l'occasion de mettre en avant toutes les valeurs si chères à ce sport, qui m'ont permis d'évoluer, et qui animent tous ceux qui seront présents ce jour-là.
Tous les bénéfices seront reversés à votre académie, la Serge Betsen Academy. Pouvez-nous en parler un petit peu ?
C'est un projet, comme pour le rugby, qui n'a pas été calculé. A la fin des années 90, j'ai appris par un cousin aujourd'hui décédé, qu'il y avait du rugby au Cameroun. Avec mon statut, je voulais apporter quelque chose, et j'ai commencé à envoyer des ballons. Après, j'ai franchi le cap en 2001, et je suis allé là-bas. Pour la petite histoire, je suis arrivé en France à l'âge de 9 ans, et presque 20 ans après, j'y retournai ! Ca m'a marqué de voir ce jeu, que je pratiquais en France, joué par des minots dans mon pays natal.
Mais je voulais faire plus, et en 2004 j'ai donc crée cette association, prenant l'excuse du sport pour permettre à ces jeunes d'évoluer, et d'éveiller des vocations. Pas forcément sportives, mais surtout sociales, pour que ces enfants deviennent des adultes honnêtes, droits.
En Afrique, pour aller à l'école ou pour avoir accès aux soins, il faut des moyens. Si les parents n'ont pas d'argent, les enfants n'ont ni l'un ni l'autre. Aussi, nous essayons d'organiser des manifestations, à l'image donc de mon jubilé, pour récolter des fonds et rendre l'essentiel accessible au plus grand nombre. Si j'avais su qu'en débutant la boucle, je la bouclerai ainsi, j'aurai signé tout de suite.
Quel regard portez-vous sur son évolution ?
Il y a deux phases. D'abord la découverte, dont je parlais précédemment, et le lancement de l'association en 2004. Aujourd'hui, nous gérons 300 gamins à travers 4 centres, mais nous espérons que cela progresse encore. Je suis quelqu'un de passionné, et j'y ai mis beaucoup de passion. Par chance, je suis aidé par d'autres passionnés, tous bénévoles, qui font un boulot énorme.
Mais on se rend compte qu'une association, c'est comme une entreprise. Il faut avoir le même fonctionnement, prévoir beaucoup de choses, mettre des opérations en places pour récolter des fonds… ce jubilé est une occasion rêvée d'y parvenir. Quand je suis arrivé à Biarritz, c'est le moment ou Serge Blanco et Pascal Ondarts faisaient le leur. Depuis, j'ai toujours rêvé de vivre un moment comme celui-la, et le faire pour une cause comme celle-ci, c'est extraordinaire.
Ensuite, il y a une deuxième phase que je souhaite développer, à travers des opérations menées en région parisienne. Des opérations que j'aimerais rendre populaires par la force que véhicule ce sport.
Que peut-on vous souhaiter désormais ?
De garder la même passion. Continuer à apporter, à donner, avant de recevoir. Mon challenge est de devenir quelqu'un sur qui les gens peuvent être sûrs de pouvoir compter. Avoir en dehors du terrain, les mêmes valeurs qui m'animaient sur le terrain.
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L'action de Serge Betsen au Cameroun en images ici