Publié le 10/12/2010
L'art et le rugby ont très souvent fait bon ménage, et les exemples sont nombreux. D'abord au travers d'évènements traitant du ballon ovale. L'exposition « la mêlée des cultures », organisée au musée du quai Branly en 2007, en marge de la Coupe du Monde et présentant un programme culturel et scientifique de découverte des nations participant à la compétition. Ou plus récemment, l'exposition « Art-rugby », présentant 110 œuvres de 22 artistes, autour du rugby. Ensuite, par le biais de joueurs ou d'ex joueur ayant franchi le pas avec succès. La plus frappante des reconversions réussie reste celle l'illustre Capitaine du XV de France, Jean-Pierre Rives, devenu aujourd'hui sculpteur.
Dernière en date, l'exposition « Passes croisées », qui se tient à Bayonne, rue Argenterie depuis le 2 décembre jusqu'au 2 janvier. Elle propose des visuels de Cédric Pasquini, photographe professionnel, mais également de deux rugbymen, férus de photographie, Jean-Jo Marmouyet, troisième ligne de l'Aviron Bayonnais, et Vincent Inigo, trois quart centre du Castres Olympique et ancien de la Maison Ciel et Blanche. Et si la distance est venue s'immiscer dans leur parcours sportif, leur amitié et leur passion commune n'en a pas souffert.
Une passion, née pour tous les deux durant leur jeunesse, et du temps de l'argentique. « J'ai été attiré car mon grand père m'a lancé là dedans, à l'époque de l'argentique, à chaque fois, il me sortait les albums de famille », explique Vincent. Une famille également prépondérante du côté de Jean-Jo « Quand j'étais ado, ma mère avait un boîtier argentique, et je m'étais essayé à quelques photos, ratées pour la plupart ».
La technologie avançant, le numérique vint alors s'imposer aux dépens de l'argentique, pour des intérêts variables chez nos photographes en herbe. « Avec l'ère du numérique, je me suis lancé, ça a été un déclic » avoue le néo castrais, pendant que son compère s'en écartait car « voir des photos sur un écran retirait de la magie de l'argentique et de l'objet photo à proprement parler ». Pas pour longtemps. « J'y suis revenu il y a trois ans, j'ai acheté tout le matériel et j'ai repris ».
« FRANCHIR UN CAP »
De cette passion commune, une véritable motivation a mené les deux hommes vers un projet d'envergure. « Nous prenions les photos, nous nous critiquions pour avancer, mais nous n'avions pas l'oeil de professionnels » se souvient Jean-Jo Marmouyet. « Nous avons alors voulu franchir un cap et suivre une formation. Je savais que l'Agence XV finançait ce type de projet en vue de la reconversion des joueurs pros, même si je ne pensais pas qu'une formation en photographie serait considérée comme une formation en tant que telle ».
« Nous sommes allés voir le club (NDLR : Bayonne), où Valentine Romieux, responsable administrative du centre de formation, nous a aidé à monter un projet solide et mis en relation avec les personnes de l'Agence XV » explique Vincent Inigo. « Elles ont été intéressées par ce projet, peu commun dans ce type de démarche, d'autant plus que nous leur avons dit dès le départ, qu'il y avait une forte probabilité que cette formation débouche sur une exposition ».
Et c'est en effet ce qu'il s'est passé. Du 2 décembre au 2 janvier, leurs clichés seront visibles dans une exposition photographique rue Argenterie à Bayonne, où de grands totems à trois faces sont installés dans la rue. « Cela permet d'amener l'exposition aux gens, sans qu'ils aient obligatoirement eu la démarche culturelle de se rendre dans un musée. L'avantage est qu'elle est permanente, et pas dépendante des horaires d'ouverture d'un site. Les gens pourront la voir de jour, de nuit, qu'il vente, qu'il neige… »
« UNE GRANDE FIERTE »
Un grand honneur pour les deux hommes. « C'est une grande fierté, mais pas une finalité logique » souligne Vincent, « Quand on nous a proposé d'exposer, nous nous sommes vraiment demandé si nous étions capables de réaliser cela. Mais en y réfléchissant, nous avions une occasion superbe d'exposer notre travail, et c'était excitant de se lancer dans cette aventure et de se confronter au regard et aux critiques du public, mais également des professionnels. Nous le vivons quotidiennement avec le rugby, alors pourquoi pas avec la photo ». Jean-Jo ajoute, « C'est une sorte de consécration, un pied à l'étrier pour la suite, car d'autres projets sont venus se greffer ».
Si les deux rugbymen sont aux anges de pouvoir exposer leurs œuvres dans leur ville, ils n'en sont pas moins reconnaissants du troisième larron de l'aventure, Cédric Pasquini, rugbyman à ses heures, « le prof qui est devenu un ami, et qui a été l'œil professionnel qui nous a guidé jusque là » comme le présente le flanker de l'Aviron. « Avec lui nous avons passé sept mois de formation à travers la pratique bien évidemment, la théorie, de heures dans des labos argentiques, des shooting… »
Résultat, les deux hommes montrent de belles capacités en alternant les crampons et les objectifs avec succès… et avec des sensibilités différentes. Comme le caractérise Jean-Jo, « Vincent est photographe comme il est dans la vie : plein d'humour. Sur ce qu'il expose, c'est tout à fait cela. Ses clichés sont colorés, saturés, avec des contrastes forts, très dynamiques. Il a une façon de photographier et de retravailler les images qui son bien à lui. La grosse qualité de Vincent est qu'il s'intéresse à beaucoup de choses, et qu'il n'a pas peur de se frotter à tout. Il a un sens artistique très développé ».
UNE AUTRE GRANDE AVENTURE APRES LE RUGBY
Pour Vincent, « Jean-Jo est quelqu'un de très minutieux, dans la vie et dans son travail. Et la photo tient une place très importante, car il voulait même avoir un appartement où il pouvait y installer un labo argentique. Dans on approche photographique, il apprécie beaucoup les photos reportages, le noir et blanc… il est à l'opposé de moi, et c'est pour cela que l'on complète. C'est un puriste, qui retouche très peu les photos, même s'il y vient maintenant ».
En tout cas, habiles sur les prés du TOP 14 Orange, les deux hommes ont depuis quelques temps ajouter une corde à leur arc, très importante en vue de leur après carrière. Pourtant, là encore, c'est venu petit à petit. Etudiant dans des domaines qui se situent loin de la photographie, ils ont trouvé dans ce secteur une bouffée d'air pure qui pourrait leur permettre de se lancer dans une autre grande aventure après le rugby.
Si à 27 et 26 ans, Vincent Inigo et Jean-Jo Marmouyet ont encore de belles années rugbystiques devant eux, les projets sont déjà bien ficelés pour la suite. « J'ai plusieurs idées dans le coin de la tête. Monter un petit studio, travailler dans la pub ou dans un journal sportif… ce serait parfait » explique le premier, mais en restant humble « je sais aussi qu'il y a beaucoup de monde sur ce secteur, je ne m'attends pas a avoir l'oscar de la photographie, mais avoir une certaine visibilité serait parfait ». Pour le deuxième, c'est déjà clair : « Faire le tour du monde, réaliser des clichés et sortir un livre ! » C'est tout ce que l'on peut leur souhaiter.
« PASSES CROISEES »
Photographie de Vincent Inigo, Jean-Jo Marmouyet et Cédric Pasquini
Du 2 décembre 2010 au 2 janvier 2011
Rue Argenterie
64100 BAYONNE
