Publié le 10/11/2010
Claude Dourthe, 2ème en partant de la gauche, accroupi.
On parle souvent de famille dans le rugby, est-ce une notion exacte ?
J'ai toujours vécu en famille à Dax, autour d'un président et d'un entraîneur qui n'ont pas changé, et avec des joueurs qui ont très peu bougé. Nous avons tous grandit ensemble, de l'école de rugby à l'équipe première, avec des gens dacquois et qui n'ont connu que l'US Dax. Cela permettait une intégration rapide dans l'équipe fanion, comme ce fut le cas pour moi à 16 ans. C'était vraiment la famille au sens propre du terme.
Aujourd'hui c'est toujours plus ou moins vrai, mais plus compliqué en raison de l'évolution de ce sport. Les jeunes doivent changer de club, pour jouer, pour évoluer, donc ils changent souvent d'environnement, se font de nouvelles relations… mais au départ, il y a toujours une notion familiale, car tous respectent leur premier entraîneur, leur premier éducateur. En cela, rien n'a changé.
Que représentent la famille et le rugby dans votre clan ?
J'ai une famille très particulière ! D'abord par mon fils qui a réalisé une superbe carrière, et ensuite par mes filles qui se sont mariées avec deux anciens partenaires de Richard et capitaines du XV de France, Raphaël Ibanez, avec le père duquel j'ai joué à Dax, et Olivier Magne. C'est une famille rugby au sens propre et au sens large. Grâce à Richard, qui avait de l'influence sur ses camarades de jeu, j'ai eu la chance d'avoir une famille de joueurs de rugby… c'est venu tout naturellement.
Que représente votre fils en tant qu'homme ?
C'est mon fils, alors j'ai beaucoup de complicité, non pas que je n'en ai pas avec mes filles, mais c'est mon seul fils, donc cela resserre les liens. Quand il a commencé à percer, je rêvais qu'il devienne meilleur que je l'ai été, qu'il connaisse une meilleure carrière que la mienne, car en tant que parent, on veut le meilleur pour ses enfants. Et lorsque cela s'est produit, notamment lorsqu'il a intégré l'équipe première de Dax très jeune, nous sommes devenus encore plus complices. J'ai retrouvé en lui beaucoup de mon tempérament, peut-être même un peu plus, et je suis très fier de sa réussite.
En tant que joueur ?
Richard avait deux particularités : il avait un tempérament de gagneur et des qualités de buteur au dessus de la moyenne, ce qui lui a permit de s'imposer. De plus, il avait une solidité physique, que je n'avais pas moi-même, qui lui a permit de rivaliser avec les meilleurs, comme Tana Umaga par exemple. Ces qualités ont fait qu'il était excessif, mais j'ai toujours pardonné les excès chez un joueur. Il est toujours préférable de devoir ralentir un joueur car cela n'est pas constant, que de devoir le pousser sans cesse. J'ai parfois dû le tempérer pour le remettre dans le droit chemin, mais cela s'est fait naturellement, et très rarement.
Après il y a l'explosion au plus niveau et les sélections nationales. Il y a eu un immense sentiment de fierté lors de sa première sélection, pour moi bien sûr mais pour lui surtout. C'est formidable de revêtir le maillot bleu, car cela prouve que l'on a les capacités de jouer au plus haut niveau. Ensuite il faut confirmer, il l'a fait et c'était fantastique. Il aurait peut-être pu faire mieux, car sûrement écarté trop tôt, par manque de vitesse notamment… mais lorsque j'entends des amis qui ont entraîné les XV de France, je pense à Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux, faire l'éloge de Richard, en tant que joueur, en tant qu'homme, en tant qu'ami, c'est une immense satisfaction.
Comment êtes-vous intervenu dans son approche du rugby ? Dans son évolution ?
S'il a baigné dans le rugby grâce à moi au départ, ce n'est pas moi qui ai dicté son évolution. Après ma carrière j'ai été président quelque temps, et Richard a ainsi vu défiler tous les jeunes de l'époque, la génération avant la sienne, Jean-Patrick Lescarboura, Jean-Philippe Coyolla, Marc Sallefranque, Thierry Lacroix, et ce sont eux, ses « grands frères » en quelque sorte, qui lui ont transmit la fibre. Après il a suivi son cursus seul, de l'école de rugby à l'équipe première puis au XV de France. L'idole, ce n'est pas le papa, c'est le grand frère.
Si vous ne deviez lui dire qu'une chose, que lui diriez-vous ?
Fais ce que tu as envie de faire mon fils, fais toi plaisir.
On parle souvent de famille dans le rugby, est-ce une notion exacte ?
Oui, mais on n'a qu'une seule famille ! Un rugbyman fait partie de la famille du rugby, mais la seule famille qui compte vraiment est celle que l'on se construit. Comme dans toutes les familles, on voit les vraies personnes dans les mauvais moments, beaucoup profitent de cette notion de famille rugbystique, mais de manière fausse.
Que représentent la famille et le rugby dans votre clan ?
C'est une grande famille du, et de rugby ! J'ai baigné dedans depuis que je suis tout petit. Ma mère, du fait de la carrière de mon père a suivi son évolution au jour le jour ; mes sœurs se sont mariées avec des rugbymen, donc on peut dire que le rugby fait partie intégrante de notre vie. Mais ce n'est pas le plus important, lorsque l'on se voit, on évite d'en parler, on parle d'autre chose !
Que représente votre père en tant qu'homme ?
Le respect… la classe… une éducation… la prestance… la reconnaissance… Le respect, pour le respect paternel d'abord, mais également pour le respect que les autres ont envers lui. L'éducation, la classe et la prestance, cela englobe tout, son comportement, sa façon d'être… Et tout cela découle sur la reconnaissance.
En tant que joueur, président, Dacquois ?
Je ne l'ai jamais vu jouer ! Il y a très peu d'images, et je n'ai pas fait la démarche de les rechercher, je préfère garder l'image que les gens en ont, car elle est très bonne. Au dire de beaucoup, c'était un joueur dur, et en cela je lui ressemblais, même si je n'ai jamais copié, j'ai juste essayé de faire ce que je savais faire, ce que je pouvais faire.
En tant que président, il était très respecté, et en tant que Dacquois, il est comme nous tous. Nous avons cette ville ancrée en nous. Le club, oui et non car c'est devenu professionnel, mais nous continuons et continuerons à nous y intéresser.
Comment est-il intervenu dans votre approche de ce sport ? Dans votre évolution ?
Quand j'étais jeune, je devais avoir 6 ou 7 ans, il était donc président et tous les joueurs de l'équipe première défilaient à la maison, les Lescarboura, Sallefranque, Coyolla… donc j'ai baigné dedans tout de suite, et les voir à la maison me donnait envie de les imiter, ou en tout cas d'essayer. Je n'étais pas très bon, même petit, mais de fil en aiguille j'ai travaillé et avec l'envie et de la détermination, j'ai réussi.
Peut-on parler de fierté de réussir la carrière que vous avez et de brillamment succéder à votre père ?
La plus grande fierté est qu'il soit fier de moi ! Cela a été dur au début car mon père était un homme de la Fédération, du Comité, donc pour chacune de mes sélections chez les jeunes, on ne pouvait pas empêcher les gens de dire que j'avais été pris parce que mon père était Claude Dourthe. Après, lorsque j'ai intégré le XV de France, on ne pouvait plus le dire. Il est fier de cela, et cela me rend fier.
Quel est son regard sur tout cela ?
On n'en parle pas. Il vaut mieux dire ce qui ne va pas que ce qui va. Si l'on discute c'est pour avancer, faire mieux, donc on ne revient pas sur tout ça.
Si vous ne deviez lui dire qu'une chose, que lui diriez-vous ?
Une chose ne suffit pas, et puis on s'appelle tous les jours… mais je dirai : « A demain » ou « On en parle demain ».