Publié le 10/11/2010
On parle souvent de famille dans le rugby, est-ce une notion exacte ?
Avant, cette notion était très forte, mais aujourd'hui, nous sommes passés à une notion de tribu. La famille s'est agrandie, il y a des fonctionnements et des cultures différentes, tout le monde est connecté, mais c'est un peu différend.
Que représente la famille dans votre clan ?
La même chose que dans toutes les familles, mais avec un facteur en plus, notre histoire s'est construite sur le support du Stade Rochelais. Il est normal de voir un grand père, un père et un fils avoir ces relations, comme il peut être normal que tous aient été rugbymen… mais qu'ils aient tous suivis le même scénario, en jouant tous aux même poste (9 et 10), en devenant tous internationaux, qu'ils aient tous été joueur puis entraîneur, et surtout qu'ils aient tous joués dans le même club, la filiation est très riche !
Que représente le rugby dans votre famille ?
C'est un moyen de liaison. Par cela nous avons tous suivi le même cycle, avec les mêmes contrariétés, les mêmes doutes mais aussi les mêmes certitudes. Nous sommes liés au rugby. Il nous a fait vivre, financièrement bien sur, mais surtout par les sentiments et la passion qu'il véhicule. C'est tout cela qui crée ce lien si fort. Après, s'il n'ya pas de réussite, il n'y a pas de continuité, il y a eu la réussite, et cela a perduré. C'est un ensemble, la famille à renforcé le rugby, et le rugby nous a renforcé, notamment par une plus grande communication.
Que représente votre fils en tant qu'homme ?
Ni plus ni moins de choses que tous mes autres enfants. C'est l'aîné des quatre, le plus arrivé dans sa vie, alors que les autres se construisent encore, mais il est la même chose pour moi que les autres. Il y a simplement le fait d'avoir vécu des moments très forts par le rugby, comme lors des déplacements avec La Rochelle, lui joueur moi entraîneur, quand nous étions dans le même bus à partager la même aventure… par cela, il y a peut-être une plus grande compréhension, nous avons multiplié les fusions. Les sentiments sont certainement plus à fleur de peau qu'avec mes autres enfants.
En tant que joueur, qu'entraîneur ?
Le talent ! On a du mal à savoir où s'attrape le talent, mais paradoxalement, on le voit très vite. Lorsqu'il était jeune, vers 19 ans environ, je disais qu'il serait bien meilleur que moi. Mais le talent sans travail, c'est comme un vélo sans roue, c'est inutile, il faut travailler, et il a su le faire. Il y a une autre chose qui caractérise Jean-Baptiste et qui va lui permettre d'être un excellent entraîneur, c'est sa grande adaptabilité. Là où beaucoup avaient besoin de faire du tableau noir, lui savait quoi faire et quand sur le terrain. Il comprend les choses de suite, grâce à un grand sens tactique acquis très jeune. Il avait su s'en servir pour percer en tant que joueur, grâce également à sa technique, face à un gabarit un peu limité, et cela lui servira maintenant qu'il est passé de l'autre côté de la barrière.
Comment êtes-vous intervenu dans son approche du rugby ? Dans son évolution ?
C'est un apport familial, par moi et mon père. Il s'est tissé beaucoup de choses par ce biais. Nous nous retrouvions souvent autour d'une table pour parler rugby, de ce que l'on attendait des joueurs, de ce qui n'allait pas et de ce qui allait… et Jean-Baptiste restait et écoutait. Et même si l'on n'intervient pas, on s'imprègne de ce que l'on entend et on s'en sert, cela a été son cas. Si un enfant a un père musicien et une mère peintre, il développera des capacités artistiques, nous, nous avons développé son sens rugbystique. Ce fut informel, ça ne suffisait pas à son développement dans ce sport, mais ça fait partie de la base.
Peut-on parler de fierté, de voir votre fils faire la carrière qu'il connait ?
Ce sont les pensées que Jean-Baptiste avait pour moi à chaque grande étape de sa carrière qui me rendent fier. Pour le titre de champion de France avec Toulouse en 2008, il y avait 80.000 personnes dans le stade, mais c'est moi qu'il cherchait ! C'est la même chose pour moi. Lors de ma première sélection avec le XV de France en Afrique du Sud, je n'étais pas fier de moi, mais fier pour mon père.
Si vous ne deviez lui dire qu'une chose, que lui diriez-vous ?
Méfies-toi ! Je sais que c'est négatif, mais c'est le handicap des vieux comme moi qui on vécu beaucoup de chose, et pas que des bonnes choses, mais c'est vrai. Mais cela ne doit pas l'empêcher de s'ouvrir, alors je dirais « Méfies-toi mais donne quand même ! »
On parle souvent de famille dans le rugby, est-ce une notion exacte ?
Oui, c'est une notion importante, à la base de ce sport, mais comme dans toutes les familles il n'y a pas que des bons côtés.
Que représente la famille dans votre clan ?
Comme dans toutes les familles, elle est essentielle. Je leur dois beaucoup, à mon père, à mes grands-parents, et je suis très respectueux de ce qu'ils m'ont apporté. J'essaie de le transmettre de la meilleure manière possible, pour ne pas ternir le nom des Elissalde.
Que représente le rugby dans votre famille ?
C'est une religion, une passion ! Le rugby a toujours été omniprésent dans ma vie, et pas seulement du fait de mon père, mais aussi des deux grands-pères, et j'espère que cela perdurera… mais j'ai bon espoir, car récemment mon fils de trois ans m'a demandé, sans que je lui dise quoique ce soit, de lui passer un match sur l'ordinateur.
Que représente votre père en tant qu'homme ?
C'est mon père, il représente l'autorité familiale, mais pas seulement, c'est également l'autorité sportive, car il a été mon éducateur puis mon entraîneur. Aujourd'hui c'est mon conseiller. Il a toujours essayé de trouver des solutions pour me permettre d'avancer, et c'est toujours le cas aujourd'hui. C'est le patriarche, donc il avait toujours raison, même lorsqu'il avait tort. J'ai été élevé dans ce cadre, avec cette autorité, et ça n'a jamais posé de problèmes.
En tant que joueur, qu'entraîneur ?
En tant que joueur, ce n'est pas seulement mon père, mais également mes grands-pères, je ne peux pas les dissocier. Ils m'ont apporté la génétique d'abord, la science du jeu ensuite. Ils m'ont amené vers ce jeu compliqué et m'ont permis de trouver des solutions, car avec un petit gabarit, il fallait jouer avec la tête, et ils m'ont donné des clés. Ce sont des décideurs, des conseilleurs avisés, des personnes avec une forte expérience, et en cela, je leur dois beaucoup.
Comment votre père, ou vos grands-pères sont-ils intervenus dans votre approche de ce sport ? Dans votre évolution ?
Ils m'ont laissé évoluer sereinement. C'est venu naturellement, car ils parlaient rugby tous les jours et j'étais au milieu, prenant çà et là des informations. Toute mon éducation a été faite là dedans, même si j'ai goûté à beaucoup de chose, car j'ai joué au foot, au tennis, au hand, et ils jouaient même avec moi au tennis. Ils ne m'ont jamais forcé à rien, tout est venu naturellement.
Peut-on parler de fierté de réussir la carrière que vous avez et de brillamment succéder à votre père ?
J'étais fier de lui à plusieurs moments de ma carrière. Quand il m'a fait débuter à La Rochelle… quand je l'ai quitté pour Toulouse… pour mes premières sélections… mes premiers titres… à chaque moment clé de ma carrière, j'ai toujours eu une pensée pour la famille Elissalde.
Quel est son regard sur tout cela ?
Si tu savais comment on en parle ! Mais on parle de tellement de choses… de l'homme à travers le rugby, du rugby à travers l'homme… tout est lié. Mais il n'ya jamais eu de plan de carrière, cela a toujours été des conseils ou des raisonnements. Philosophiques pour aborder ce sport, techniques pour y évoluer.
Si vous ne deviez lui dire qu'une chose, que lui diriez-vous ?
« Merci beaucoup » ! Car si j'en suis là aujourd'hui, c'est grâce à lui, à eux. Le reste on se le dit entre nous, nous n'avons besoin de personne. On se garde les sentiments pour nous, même si parfois on n'arrive pas à se le dire, et pourtant ils sont très forts, et pour tout le monde.