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Questions/Réponses à... Romain Poite

Questions/Réponses à... Romain Poite

Publié le 03/05/2011

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Romain Poite, arbitre professionnel de TOP 14 Orange et qui représentera la France lors de la Coupe du monde 2011.

- Que pensez-vous, à titre personnel, de l'interprétation de la zone plaqueur/plaqué qui indique que le plaqueur ou participant au plaquage se doit de montrer qu'il a lâché l'ensemble avant de valablement contester ? S'agit-il d'un contest plus juste dans l'esprit ou bien d'un avantage délibéré pour l'équipe attaquante ?

Cette directive a apporté une équité pour les chances de gain du ballon ou sa conservation entre les deux équipes. En effet, par le passé, notre analyse s'orientait principalement soit vers l'équipe possédant le ballon, puis lors des dernières saisons, vers l'équipe voulant le récupérer. Désormais notre analyse est plus juste mais demande plus de précision et les chances pour les deux équipes sont identiques et non plus démesurées.



- Comment Romain Poite gère t-il la pression que certains joueurs peuvent avoir pendant un match pour influencer une décision ?

Malheureusement, je ne suis pas d'un naturel avenant sur un terrain ce qui n'ouvre pas la porte à des discussions secondaires ou pouvant influencer mes décisions. Consciemment ou inconsciemment, j'ai commencé ma carrière de cette façon et je pense que les joueurs ont connaissance de cette attitude. De plus, je ne suis en relation qu'avec le capitaine de chaque équipe, qui est pour moi, le principal et important lien avec l'équipe. Les autres joueurs bénéficient donc de la même attention, soit quasi nulle.



- Est-ce difficile d'être arbitre ?

L'arbitre est au même titre que le joueur un sportif, sauf qu'il vit sa passion de façon différente. Des difficultés existent comme tout sportif mais si nous continuons notre passion, c'est que nous éprouvons beaucoup de plaisir à nous retrouver « aux premières loges » des rencontres pour lesquelles nous sommes désignés. Mais il est aussi vrai que chaque niveau (professionnel ou amateur) fait apparaître des difficultés mais qui ne sont pas insurmontables.



- Dans l'esprit : Pourquoi mêlée au point de départ du ballon, si celui-ci sort des limites de l'en but, lors d'un prolongement au pied sur action offensive et renvoi aux 22 mètres lors de toute tentative de drop ?

Cette règle a été modifiée pour éviter les gestions de fin de match ou d'occupation du terrain adverse, constatées par le passé. Elle se rapproche de celle modifiée en football avec la passe incessante au gardien. Cela permet aussi de perdre moins de temps et donc de garder plus longtemps le ballon dans l'aire de jeu. En revanche, cette règle ne s'applique pas lors d'une tentative de but par un drop goal. Enfin une mêlée est ordonnée au point de départ avant que le ballon soit rendu mort pour l'équipe qui n'a pas botté afin de la rapprocher éventuellement de la ligne de but adverse.



- Faites-vous entre vous des mêlées lors de vos stages d'arbitres afin de mieux saisir les subtilités de cette phase de jeu ou vous en remettez-vous uniquement au règlement ?

Nous sommes passés par toutes les solutions possibles : invitation de spécialistes au poste, analyse vidéo, mise en situation, etc… Nous maintenons notre travail sur cette phase mais malheureusement si vous faîtes un choix, l'autre partie peut ou veut vous démontrer le contraire. La rencontre de six hommes (4 piliers, 2 talonneurs) offre malheureusement trop de controverses car leur volonté n'est pas toujours saine. Nous pensons que l'image de la mêlée telle qu'elle est jouée aujourd'hui ne leur appartient qu'à eux, nous ne pouvons apporter l'équité que sur l'engagement et l'introduction, après nous essayons de prendre la bonne décision en faisant référence à notre observation.



- Pourquoi à votre avis les arbitres de rugby semblent tous taillés sur le format d'un joueur des lignes arrières et non du paquet d'avants (à part Steve Walsh…) alors que beaucoup de décisions sont à prendre dans le combat des packs ?

La vitesse du jeu et son évolution nous obligent à acquérir des corpulences athlétiques mais pour information, j'ai joué à tous les postes devant car mon poids fluctuait autour des 95/100 kilos. De plus, la phase de rencontre la plus répétitive dans le rugby est la phase de jeu au sol qui implique autant les joueurs de devant que ceux de derrière. Le combat exclusif des packs ne se limite donc qu'aux mêlées et aux touches, ce qui n'équivaut en moyenne qu'à la moitié des situations de jeu au sol sur une rencontre.


- Avez-vous totalement surmonté la barrière de la langue anglaise lors des matches internationaux ou vous arrive-t-il encore de rencontrer des situations d'incompréhension ?

Je continue mon apprentissage mais depuis l'année 2005, date à laquelle j'ai commencé les compétitions étrangères, je pense avoir acquis une bonne base linguistique qui se développe en dehors des matches lors des moments partagés avec les autres arbitres où les erreurs de langage sont corrigées très amicalement. Les termes employés lors des rencontres sont quant à eux assez répétitifs d'un match à l'autre et une fois la base linguistique bien assimilée, cela nous permet d'évoluer sereinement. Cela demande malgré tout un surplus de concentration contrairement aux arbitres des nations britanniques.



- Quelle est votre préparation physique ?

Je m'entraîne quatre fois par semaine, le matin en général. Cela se décompose par une séance de récupération et de renforcement musculaire le Lundi, une séance de foncier le Mardi, une séance de travail vitesse-lactique le Jeudi, une séance de renforcement musculaire le Vendredi. Le suivi est quant à lui assuré par un préparateur IRB néo-zélandais ainsi que par Jean-Luc Arnaud, préparateur physique de la FFR.



- Pouvez-vous nous raconter quelques souvenirs de votre carrière d'arbitre (émotions, gags, etc.) ?

Des souvenirs, j'en ai évidemment plein la tête : des souvenirs humains partagés avec mes amis ou collègues lors des rencontres internationales ou européennes, des gags lorsque je glissais souvent sur un terrain (chose qui m'arrive rarement, maintenant…) et en tant que meilleur souvenir sportif, cela a été de diriger la rencontre Munster/All Blacks en novembre 2008 pour l'inauguration du stade de l'équipe du Munster dans sa nouvelle configuration. Ce match n'avait eu lieu qu'en 1978 et les Irlandais avaient battus les Blacks. C'était aussi une étape importante dans ma carrière au niveau international.


- N'est-ce pas dur d'entendre des sifflets qui résonnent dans tout le stade contre vous ?

L'arbitre est un homme public et donc est soumis à la critique. De plus, l'arbitrage du rugby est sujet à appréciation et donc en fonction de ses croyances et de ses sensibilités nous prenons des décisions (bonnes ou mauvaises) qui sont désapprouvées, souvent lorsque la personne a un parti pris. Mais nous nous retrouvons dans une bulle lorsque nous arbitrons et nous ne percevons que très peu ces ambiances, négatives pour nous, et ne gardons que les ambiances, positives à notre sens, d'encouragement des équipes qui vous apportent de l'enthousiasme.


- Comment on fait pour être arbitre officiel du TOP 14 Orange, et même du Tournoi des VI nations ?

On débute comme arbitre stagiaire (environ une année), puis on devient arbitre régional et enfin arbitre fédéral. Toutes ces étapes sont assujetties à la réussite d'un examen.

On passe ensuite par les trois divisions fédérales où l'arbitre est supervisé (ou noté). Et en fonction de ses qualités il monte les paliers pour diriger des rencontres du secteur professionnels jusqu'au TOP 14 Orange. Il est ensuite proposé en compétitions européennes par la FFR puis dans les compétitions internationales. Si les supervisions et avis persistent dans le positif alors il est nommé pour diriger les rencontres majeures du tournoi et des tournées (hiver et été).



- Il est difficile pour un arbitre de tout voir mais pourquoi certains d'entre vous faites de grosses erreurs ? Peut-on sanctionner un arbitre ?

L'arbitre est un être humain, et pas une machine. Il dirige donc des rencontres avec ses forces et ses faiblesses. Comme les joueurs font des en-avants, sont hors-jeu, font des mauvais choix, l'arbitre fait aussi des erreurs car il doit analyser et trier les comportements qui sont face à lui. L'homme étant ce qu'il est, il fait des erreurs que nous sommes les premiers à regretter. Les arbitres sont soumis à des sanctions lors de fautes graves : ils dirigent des rencontres d'un niveau inférieur ou ne sont pas désignés pendant quelques semaines afin de réfléchir sur la répétition des erreurs et d'en trouver la solution. Ces sanctions s'appliquent au niveau national par la FFR et au niveau international par l'IRB ou l'ERC.


- Pensez-vous que l'arbitrage français soit suffisamment reconnu par l'IRB, vous êtes le seul représentant au Mondial au centre, alors que d'autres nations pour ne pas les citer, les Britanniques, en ont deux ?

Même si votre réflexion faisait preuve de vérité dans le passé, je pense qu'aujourd'hui les choses ont changé. Nous sommes quatre arbitres au Panel International qui est le regroupement des meilleurs arbitres mondiaux (environ une vingtaine), ce qui n'est jamais arrivé. De plus, les arbitres français ne sont professionnels que depuis quelques années au contraire des autres nations qui possèdent plus d'ancienneté que nous au niveau international, donc plus de reconnaissance et de pratiques. Les choses changent pour notre nation et évoluent très vite dans le bon sens du fait du travail de nos dirigeants et bien sûr du notre aussi.



- Je suis à la fois le TOP 14 Orange et le SUPER 15, et je constate des différences d'arbitrage entre les hémisphères nord et sud, de la même manière qu'on peut tous constater une différence de style de jeu des joueurs. Comment expliquez-vous ces différences dans l'arbitrage ? Et est-il prévu que vous ayez des commissions lors de la préparation de la coupe du Monde en vue de respecter une certaine cohérence d'arbitrage ?

Il est évident que les comportements des équipes et des joueurs sont très éloignés entre les deux hémisphères. Nos croyances dans le jeu sont aussi différentes. Mais les arbitres dirigent des rencontres et prennent des décisions en fonction « de ce qui se présente devant nous ». Cela peut expliquer des perceptions différentes dans les arbitrages, mais je ne pense pas que les hommes soient si différents que cela entre les arbitres du Nord et ceux du Sud. Enfin, nous sommes souvent regroupés entre arbitres des deux hémisphères de façon continue à raison de deux fois minimum par an, et nous travaillons avec Internet de façon régulière afin que les rencontres internationales soient arbitrées avec les mêmes directives.


- Quel est votre quotidien et comment un arbitre international se prépare t'il pour la coupe du monde ?

Je dois me préparer physiquement pour les rencontres et les tests physiques, analyser mes vidéos et celle d'autres rencontres afin de trouver des solutions aux erreurs identifiées, animer des stages et réunions dans les comités de France, assumer de la représentativité pour la Fédération et l'arbitrage ; tout cela en trouvant un certain équilibre afin de tout assumer correctement. Les semaines se suivent, mais ne se ressemblent pas ! L'emploi du temps est variable en fonction des obligations à venir.



- Ne trouvez vous pas que les hors-jeu de ligne ne sont pas suffisamment sanctionnés en TOP 14 Orange (comme dans les autres compétitions), ce qui nuit à la qualité des matchs ?

Il est évident que nous devons travailler encore sur l'analyse du hors-jeu de ligne, mais je ne suis pas certain qu'il s'agisse là de l'élément principal pouvant nuire à la qualité d'une rencontre.


- Ne faudrait-il pas plus mettre à contribution les juges de touche (souvent mieux placés que l'arbitre de champ pour observer les lignes de hors-jeu) pour signaler cette faute ?

Nous travaillons à toutes les solutions possibles pour améliorer notre analyse sur cette phase de jeu, mais les arbitres de touche n'ont pas toujours la meilleure vision. Ils sont certainement les mieux placés pour observer la ligne, mais le sont-ils pour voir à quel moment le ballon émerge de la mêlée spontanée lorsque celle-ci se situe à 60 mètres d'eux ? Il s'agit d'un grand débat sur lequel nous évoluons depuis deux saisons avec pertinence mais aussi déception.



- Je suis un jeune arbitre (18 ans) et je voudrais savoir quelles sont les clés de votre réussite ? Quels conseils pouvez-vous me donner pour progresser ?
Quels sont les formations requises pour devenir arbitre, et à partir de quel âge êtes-vous devenu arbitre profesionnel ?


Si je pouvais résumer en deux expressions les clés qui m'ont amené à ce niveau c'est d'avoir pris du plaisir dans ce que je fais, et de m'être donné les moyens de mes ambitions. Pour progresser, il faut toujours se remettre en question et ne garder que le négatif pour travailler dessus et s'améliorer. De plus, beaucoup de rencontres et à tous les niveaux, sont maintenant filmées donc il faut demander les vidéos afin de s'analyser. Enfin, il faut écouter les conseils que l'on peut te donner, provenant autant des hommes de l'arbitrage que ceux du jeu. Le cheminement et les formations te seront fournis par ton comité via son Directeur Technique de l'arbitrage. Je suis devenu arbitre professionnel à l'âge de 32 ans mais l'âge n'est pas un critère sélectif pour le devenir.


- Existe-t-il un classement mondial, via l'IRB, des arbitres ? Si oui, connaissez-vous votre classement actuel ?

Je ne me considère pas comme l'arbitre numéro 1 français, mais comme l'un des arbitres professionnels de la FFR. Nous ne nous inscrivons pas dans un classement, mais dans un collectif où certes la compétition existe, mais elle reste dans un bon état d'esprit. C'est-à-dire que nous sommes capables de nous sacrifier les uns pour les autres, et de nous réjouir des performances voisines, tout en étant satisfaits d'obtenir les bonnes désignations. Il n'existe pas de classement au niveau IRB mais un panel d'une vingtaine d'arbitre où les sélectionneurs puisent pour désigner les rencontres. Elles peuvent donc être majeures comme mineures.



- Qu'est-ce que vous pensez de l'arbitrage sur le jeu au sol et notamment de la nouvelle directive de début de saison avec l'obligation pour le plaqueur de « lâcher » le porteur du ballon pour pouvoir disputer le gain du ballon ? Sur certains matchs, cette faute est sifflée sur d'autre non…

Cette directive a apporté une équité pour les chances de gain du ballon, ou sa conservation entre les deux équipes. En effet, par le passé, notre analyse s'orientait principalement soit vers l'équipe possédant le ballon, puis lors des dernières saisons, vers l'équipe voulant le récupérer. Désormais notre analyse est plus juste mais demande plus de précision et les chances pour les deux équipes sont identiques et non plus démesurées. Enfin, cette phase se répète très souvent dans une rencontre, et donc nous amène à bien comme mal la juger, malheureusement.

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